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Temoigner dans notre vie

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Introduction

Les quatre premiers textes publiés ici ont été des contributions à une Table ronde. Nous les imprimons dans l’ordre originel. On avait demandé à chaque participant de parler de ses propres expériences en relation avec le thème de la Triennale:

“Être des témoins fidèles: servir Dieu dans un monde en mutation.”

Emma Espinoza de Vichez a parlé en espagnol, les autres en anglais. Les équivalents français des passages bibliques cités viennent de la traduction de Louis Segond.

Les deux messages supplémentaires ont été prononcés durant les cultes de la Triennale. Tom & Liz Gates ont parlé le 18 janvier; Benson Simiyu le 23 janvier.

Les quatre textes de la Table ronde, et le message de Tom et Liz Gates, sont publiés séparément comme deux brochures du Wider Quaker Fellowship, FWCC Section des Amériques (voir à la fin). Le texte anglais de ces cinq textes ont été édité par Vicki Hain Poorman; celui de Benson Simiyu par Annis Bleeke.

Ute Caspers est chercheuse de la vérité, mère, grand-mère, amie, voisine et ouvrière de la paix. Membre de l’assemblée annuelle allemande, elle sert comme observatrice du FWCC au Comité central du Conseil œcuménique des églises, et comme “Amie en visite” pour la Section de l’Europe & du Moyen-Orient du FWCC.

Cela a été pour moi un grand honneur — et aussi un défi et une responsabilité – quand le Bureau mondial m’a demandé de témoigner sur le thème de la Triennale. Je ne leur ai pas posé la question “pourquoi moi?” J’accepte comme un défi la pensée que je devrai me prendre au sérieux – dans un contexte plus ou moins publique – moi, vraiment, suis-je un témoin fidèle, est-ce que je sers Dieu dans un monde en mutation?

Là où j’habite, en Europe, il plaît aux gens — aux Amis même — de tout définir, y compris Dieu. Les gens se servent beaucoup de la tête, parfois au détriment du cœur et de la foi. Or, la définition de Dieu qui m’a fascinée le plus, c’est que Dieu est le grand “Et Pourtant”.

J’aimerais vous parler de deux rencontres que j’ai eues, deux témoignages à ce grand “Et Pourtant”. Dans une des rencontres il s’agit de la foi; dans l’autre il s’agit du fait d’être témoin.

Et le monde en mutation? Malheureusement, dans le domaine du conflit et de la guerre le monde n’a pas beaucoup changé dans les derniers 3000 ans. La technologie militaire a changé, pour tuer les gens plus facilement, et la technologie de la propagande a changé, pour rendre plus difficile la résistance, même de la part des gens qui se sentent concernés.

Pour moi, la crise du Golfe de 1990-1991 a été la première fois que la guerre a éclaté sur l’écran de la télé. Pendant des mois on nous a bombardés avec des nouvelles sur les atrocités commises par Saddam Hussein au Koweit. Certaines des histoires se sont avérées plus tard totalement fausses, des mensonges inventés pour nous faire croire qu’une action militaire était la seule action possible pour mettre fin à cela. On a envoyé des soldats américains, prononcé des ultimatums; on parlait de la guerre d’un ton froid, méthodique. Cela me faisait mal, constamment. Ayant éprouvé, comme des millions d’autres, la perte de ma famille et de ma maison dans la guerre de 1939-45, je pouvais sentir la douleur future du peuple irakien, je voyais les orphelins futurs et les familles brisées. Cette douleur n’était guère supportable. Dans un tel monde, me semblait-il, il n’y avait plus de place pour moi. Je pensais sérieusement au suicide.

Et pourtant — un jour, au milieu de mes travaux domestiques, j’ai entendu une voix qui me parlait: “Et Pourtant tu peux vivre. Il faudra des gens pour réparer ce qu’on a brisé.” Quelle expérience! J’ai été impressionnée, profondément. Ma dépression s’est évanouie, et j’avais bientôt l’énergie pour quitter mon travail d’enseignante de langues et pour m’équiper pour un travail actif dans le domaine du conflit et de la paix. Dans ma tête je ne suivais pas consciemment une vocation, mais je vois rétrospectivement qu’il devait y avoir beaucoup de foi là-dedans sinon je n’aurais pas agi comme cela.

Depuis lors j’ai vu une grande variété de situations de conflit, en Afrique du Sud, dans la région dans grands lacs africains, et en Sierra Leone, et j’ai pu guider d’autres gens sur le chemin du travail actif pour la paix.

Ma rencontre la plus récente comme témoin du grand “Et Pourtant” a eu lieu il y a un an quand j’ai participé au Programme œcuménique d’accompagnement pour la Palestine et Israël sous l’égide du Conseil œcuménique des Eglises. Notre Amie palestinienne Jean Zaru a mentionné ce programme dimanche dernier au cours de son émouvant discours sur la situation désespérée dans son pays. Moi, on m’a affectée à Bethléem.

Comme vous pouvez imaginer, Bethléem a eu une célébration très spéciale en l’an 2000. Sur la plan politique, la période 1995-2000 était assez calme dans cette région troublée. Les Accords d’Oslo avaient inspiré de l’espoir, et des individus et des communautés chrétiens (des pays, même) de presque tous les coins du monde ont adopté des bâtiments, des rues, des places pour préparer Bethléem pour une fête d’anniversaire très spéciale. Je crois que la ville était belle comme un bijou – pendant quelques mois. Je pouvais encore voir cela en 2003 – aux moments limités où je pouvais sortir. Le recours à la violence dans l’Intifada d’Al Aqsa (deuxième tentative des Palestiniens pour terminer l’occupation israélienne) avaient provoqué quelques incursions dans la ville. Un événement particulièrement lourd était le siège de l’Eglise de la Nativité, autour de Pâques 2002. Je pouvais voir des signes de mort et de destruction partout où je voyais, et il ne restait plus grand’chose de la beauté et du désespoir. La misère et la désolation étaient palpables.

Et pourtant! Et pourtant j’ai rencontré dans cette communauté souffrante des gens qui refusaient de perdre l’espoir. On m’avait affectée à l’Eglisé luthérienne de Noël afin d’aider à préparer la grande ouverture de leur nouveau Centre international. Toutefois, on a dû reporter cela – pour une troisième fois – au cause d’une reprise de couvre-feu et de blocus.

Et pourtant, le bâtiment était là, nouveau, propre et très agréable aux yeux. Les fidèles avaient trouvé une subvention et nommé un architecte finlandais déjà primé pour créer une structure inspirante qui aiderait à promouvoir dans la communauté un nouveau sentiment de sa valeur. Je l’appelais mon “étoile de Bethléem”. Depuis, on l’a inauguré, et le bâtiment sert la communauté – et chrétiens et musulmans – avec des classes d’art et d’artisanat, des concerts, et des expositions, offrant un contrepoids à la privation et à l’oppression quotidiennes (dont Jean Zaru nous a parlé dans son discours).

Voilà des exemples qui sont proches de l’idée de témoignage fidèle. Et pourtant je j’entends pas souvent des directions claires, je n’ai pas souvent le bonheur de voir un miracle aussi brillant que celui de Bethléem que je viens d’évoquer.

Nous ne sommes pas tous dans une situation pour partir et pour témoigner de choses grandes, mais nous pouvons tous soutenir des “Et pourtant” plus petits, en gardant nos yeux ouverts aux besoins de nos voisins.

Pendant que mon “étoile de Bethléem” brillait, j’ai vu de nombreuses situations dominées par le désespoir, dans lesquelles aucun “Et pourtant” n’était évident. Je crois que nous devons être à la recherche du plus petit “Et pourtant” – tout comme nous sommes appelés à chercher Dieu.

Soutenir le grand ou le petit “Et pourtant”, où qu’il veuille apparaître, cela veut dire changer des choses. Peut-être est-ce la meilleure proximité que je puisse atteindre au vrai service de Dieu dans un monde en mutation.

Quand je réfléchissais à ce témoignage, une image biblique m’est venue à l’esprit, celle de l’arc-en-ciel après le grand déluge, et de l’alliance offerte par Dieu à Noé et à son peuple. Nous lisons dans la Genèse :

“J’ai placé mon arc dans la nue, et il servira de signe d’alliance entre moi et la terre. Quand j’aurai rassemblé les nuages au-dessus de la terre, l’arc paraîtra dans la nue; et je me souviendrai de mon alliance entre moi et vous, et tous les êtres vivants, de toute chair, et les eaux ne deviendront plus un déluge pour détruire toute chair.” (Genèse 9:13-15)